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Communiqué de presse par Olivia Bianchi - 2009

exposition Peace and Love

PEACE AND LOVE
Galerie Marie-José Degrelle - 11, rue Goïot - Reims
7 novembre - 19 décembre 2009



Ce n’est pas seulement une exposition destinée à nous familiariser avec l’univers d’une artiste. C’est une odyssée spirituelle destinée à abattre idéalement les frontières géopolitiques du monde.
En ce sens, Sylvia Lacaisse ne cherche pas tant à « installer un monde », comme l’écrivait Gilles Deleuze, qu’à le détruire ou à le fuir. Mais que fuit-on dans un monde, si ce n’est précisément « la honte d’être un homme » ? La réponse peut paraître cinglante, mais à regarder de plus près certaines œuvres qui sont exposées, il s’agit pour la plupart d’une sélection de drapeaux nationaux (Algérie, Allemagne, France, Japon, Soudan, U.S.A) et les objets qui les constituent (machettes, pistolets, cartouches, crânes de singes, petits poissons), on comprend qu’il ne s’agit pas d’une vaine boutade ou d’un caprice métaphysique, mais d’une nécessité vitale. Il faut fuir les guerres et les famines qu’elles provoquent. Fuir la rationalité qui est à l’origine des désastres du monde. Ici, intervient la puissance transfiguratrice de l’artiste qui transforme les célébrations nationales en autant d’objets de honte. Dans Afrique, cinquante-cinq drapeaux de pays africains dont chacun est flanqué de deux pistolets sont disposés de manière à épouser les contours du continent africain. Des armes à la stylisation qui rappelle étrangement les muqarnas, ces éléments décoratifs qui ornent les plus belles architectures du monde islamique. L’Afrique, toujours elle, avec Soudan dont les couleurs nationales sont presque entièrement recouvertes par des machettes blanches faussement immaculées. Du sang et des larmes pour l’Afrique soit, mais également pour les autres continents, car la honte ne connaît pas de frontière. Ainsi France et sa pluie de munitions comme autant de déclinaisons atomiques, mais aussi U.S.A et ses cartouches qui ne laissent aucune place au vide, des guerres qui tournent à plein, comme des usines à fabriquer des morts.
À considérer l’intitulé de l’exposition PEACE AND LOVE et les œuvres qui l’illustrent, on peut dire, suivant la formule du peintre surréaliste René Magritte, que « la trahison des images » est parfaite. En amplifiant la confusion entre le mot et l’image, le signifiant et le signifié, l’artiste nous invite à sortir des fausses évidences, et notamment celle qui consiste à dire que la paix et l’amour sont partout dans le monde. Or, c’est l’inverse qui est vrai, c’est la guerre et la mort qui sont partout dans le monde… On nomme cela l’immonde. Comment sort-on de l’immonde ? Comme l’écrivait le philosophe Hans Jonas, c’est en se projetant dans l’avenir, dans une guerre inéluctable, qu’on empêche qu’elle se réalise (« Qu’est-ce qui peut servir de boussole ? L’anticipation de la menace elle-même ! ») !
Sylvia Lacaisse nous invite ainsi à nous projeter dans le futur de la catastrophe afin de l’éviter !
PEACE AND LOVE ne raconte pas seulement des guerres passées (Allemagne de 1916) ou présentes, mais des guerres et des conflits à venir. Pour éviter ces catastrophes humaines et écologiques (Japon se compose d’une armée de petits poissons kamikazes et Algérie de crânes de singes), l’artiste nous invite expressément à nous plonger au cœur de la catastrophe, afin d’y échapper. C’est une authentique « heuristique de la peur » que cette exposition met en scène.
L’hommage à l’œuvre de Robert Indiana, artiste américain du Pop Art qui a réalisé la sculpture Love durant la guerre du Vietnam, naîtrait-elle d’une semblable anticipation, mais utopique celle-là, car nous plaçant d’emblée dans un avenir triomphant, pétillant ? Composées de milliers de capsules de bouteilles de champagne, ces œuvres qui reprennent, en la déclinant, l’esthétique d’Indiana, concluent heureusement l’exposition de Reims.
Olivia Bianchi, philosophe

Olivia Bianchi